Sarkozy, oui ou non ?

Le caractère massif et passionnel du phénomène de rejet dont le président sortant est la victime n’a pas d’équivalent dans l’histoire de la Ve République. Les choses en sont au point, nul ne saurait l’ignorer, que le second tour de l’élection présidentielle, s’il devait, comme il semble, opposer Nicolas Sarkozy à François Hollande, à défaut d’être un plébiscite en faveur de celui-ci, dont la personnalité imprécise et la campagne floue sont loin de susciter l’enthousiasme, a toutes les chances de se transformer en un referendum contre celui-là, un referendum où le « non » part favori.   Les erreurs de communication et de comportement qui ont caractérisé le début du quinquennat et défavorablement impressionné l’opinion sont-elles la cause de ce rejet ? Nicolas Sarkozy s’en est expliqué ces derniers temps, de façon sincère et convaincante et a fait son mea culpa. Pour symboliques et significatives de l’homme, de son tempérament, de ses affinités, de ses choix de vie et de société qu’aient pu être ces erreurs, il y a longtemps qu’on n’en parlerait plus, ou seulement en souriant avec l’indulgence à laquelle a droit un débutant, si la France entretemps avait remonté la pente et si le bilan de ces cinq ans était globalement positif.   Il s’en faut, hélas, du tout au tout. L’effroyable alourdissement du fardeau de la dette publique, l’effondrement de notre balance commerciale, le démantèlement de nos industries sous les coups de boutoir d’une compétition sans règles et sans frein, l’explosion du chômage, le creusement des inégalités sociales, la paupérisation de la société, voilà ce que l’on risque de retenir des années Sarkozy. Pour quelques réformes réussies, combien d’autres ne sont que le nom dont on a habillé la régression. Nul ne saurait de bonne foi imputer directement à Nicolas Sarkozy la responsabilité de la crise mondiale, crise qui est celle du néo-libéralisme pris à ses propres pièges et du vieux monde confronté à l’émergence des pays naguère ses sujets et ses clients, aujourd’hui ses concurrents victorieux. De même ne saurait-on dénier sans injustice une énergie, un volontarisme, un activisme qui n’ont eu que trop l’occasion de se déployer de sommets de la dernière chance en sommets de la dernière chance, mais c’est la pertinence de ses choix fondamentaux qui est en cause. Dans la tempête, le capitaine a mis et maintenu le cap sur l’austérité, la rigueur, la défense de la stabilité monétaire, le maintien de la zone euro coûte que coûte, et il en coûte chaque jour davantage. L’horizon s’est chargé de menaces terribles : faute d’avoir eu le courage et l’intelligence d’abandonner la Grèce à sa destinée, c’est son sort qui nous guette, faute d’avoir à temps repris notre liberté, nous courons tout droit vers la catastrophe générale. Faut-il vraiment persévérer dans la mauvaise direction ?   Dans la perspective sinistre qui nous est offerte, Nicolas Sarkozy est discrédité aujourd’hui à la mesure de ses excès de toute sorte. Excès de promesses, excès de présence, excès de pouvoir. Alors qu’approche l’heure de vérité, comment oublier que le candidat Sarkozy, en 2007, s’était engagé à faire de la France un pays de propriétaires, un pays où chacun aurait droit à un logement décent et avait fait de la lutte contre le chômage la pierre de touche de sa réussite ? Réunissant entre ses mains tous les pouvoirs, omniprésent à l’avant-scène de la politique, ayant sans rencontrer d’obstacle imposé sa volonté à son gouvernement, à sa majorité et finalement au pays, Nicolas Sarkozy ne saurait faire retomber sur personne d’autre que lui-même le poids de ses échecs.   A côté des qualités indéniables du président sortant, de sa vivacité d’esprit, de son intelligence, de sa plasticité, nous avons identifié et nous connaissons ses défauts, son impulsivité, son imprévisibilité, son pragmatisme enfin qui donne le tournis et qui ressemble à s’y méprendre à une absence totale de principes et de convictions.

« J’ai changé », disait le candidat Sarkozy en 2007. « J’ai appris », nous dit-il aujourd’hui. Y a-t-il encore une majorité de Français désireux de vérifier pendant cinq ans encore en quoi le président sortant a changé, et ce qu’il a appris ? L’antisarkozysme risque bien le 6 mai d’être en France l’opinion la plus partagée.   Dominique Jamet
Publié par Dominique Jamet le 18 mars 2012