
JOEL, LE MUSHER DES STEPPES
Un reportage de Xavier Luizet, Jérôme Lanteri & Thomas Bourva (Capa)
Chaque hiver, il parcourt les rivières et les lacs gelés en compagnie de ses trente-huit chiens. Joël Rauzy est musher : conducteur de chiens de traîneau. Il est le seul en Mongolie. Avec sa compagne Bahina et une petite équipe d’assistants mongols, il organise des expéditions d’une dizaine de jours, auxquelles participent essentiellement des Français. Nous avons suivi l’une d’elles sur le lac de Khusvul, une gigantesque étendue d’eau du nord de la Mongolie, prise par les glaces de décembre à mai. Une féérie de givre et de cristal, par – 25 degrés.
Il y a encore huit ans, Joël vivait dans les Pyrénées et organisait des raids aux quatre coins du monde. C’est lors d’une de ces expéditions qu’il a eu le coup de foudre pour la Mongolie. Il s’y est établi, séduit par les grands espaces. » Je me suis dit : il y a de la place, il faut tenter le coup « . Depuis, il s’est habitué à une vie spartiate, souvent sans eau courante et avec le minimum d’électricité. Tous les ans, au milieu de l’hiver, il transporte ses trente-huit chiens de son camp de base près d’Ulan Bator à son autre camp, situé à la pointe sud du lac de Khusvul.
Parmi les trois Français inscrits au raid, il y a Sophie, chimiste à Paris. C’est la troisième fois qu’elle participe à une expédition en chiens de traîneau, et la première fois qu’elle vient en Mongolie. Parée pour les grands froids, elle s’est équipée de deux chapkas, d’un masque anti-froid » façon Hannibal le cannibale « , et d’énormes chaussures » qui lui font gagner au moins trois pointures « . Elle va apprendre très vite à connaître les six chiens qui composent son attelage. Des chiens qui, lorsqu’ils aboient au moment du départ, » lui donnent de l’énergie « . Pour Sophie, cette expédition sur le lac gelé, à travers des paysages d’une beauté minimaliste, est aussi l’occasion de faire le vide… » Tu passes d’une vie en ville où tu es sollicitée tout le temps, où ça n’arrête jamais, et tu te retrouves au milieu de nulle part, dans le calme, le silence… C’est ça que je viens chercher ! »
Joël entretient des rapports étonnants avec ses chiens. Quand Queenie, sa chienne de tête, n’obéit plus à ses ordres, il immobilise brusquement le traîneau pour aller lui mordre l’oreille et lui rappeler qui est le maître. La même Queenie qui, le soir, à l’étape, vient lui réclamer des caresses. » Elle vient vers moi parce qu’elle sait qu’elle a bien bossé. Ceux qui ont glandé se planquent « , explique le musher avec malice. Joël n’hésite pas à prodiguer lui-même à ses chiens éprouvés par une rude journée de course des massages et des séances de stretching.
MARINIERS, 20 ANS APRES
Un reportage de Sarah Amrouni. Images : Mathias Denizo, Arnaud Maurial, Emmanuel Belloc. Montage : Laurent Lépine
1200 artisans mariniers sillonnent aujourd’hui les canaux de France. Leur métier : piloter des péniches et transporter des marchandises lourdes. Une vie nomade qui s’écoule au rythme des écluses à traverser. En 1991, nous avions rencontré une famille de mariniers. Nadine et Joël Ferré, jeunes parents, étaient propriétaires de deux bateaux. Ils élevaient leurs deux enfants au fil de l’eau et transportaient céréales, ferrailles ou encore charbon, le long des canaux du Nord de la France. Nous les avons retrouvés.
Dunkerque. C’est ici, tout près de la frontière belge, que nous avons retrouvé Nadine. A 43 ans, elle vit toujours sur un bateau et sillonne les mêmes canaux qu’il y a 20 ans. Pourtant, dans sa vie, bien des choses ont changées : » Il y a eu un divorce, un re-mariage, un nouvel enfant et un changement de bateau « . Aujourd’hui, Nadine ne vit plus avec Joël. Elle a refait sa vie avec Didier, un autre marinier. A eux deux, ils se partagent la barre du » Shannon « , un bateau de 82 mètres de long, sur lequel ils élèvent leur fils, Loan, 13 ans. En 20 ans, la passion de Nadine pour la navigation s’est confrontée à la crise : » On ne peut pas dire que je n’aime plus mon métier mais ce n’est plus pareil. On ne gagne plus beaucoup d’argent ; beaucoup de nos collègues ont fait faillite. » Depuis 1991, le nombre de mariniers a diminué de moitié. Des conditions de travail plus difficiles mais un confort de vie qui s’est amélioré. En 1991, Nadine et sa famille vivaient dans 20 m2, au fond de la cale. Aujourd’hui, à bord de son bateau, c’est presque le grand luxe » il y a 3 chambres, un salon, une salle à manger, une salle de bain et même une cuisine équipée « .
Joël, le premier mari de Nadine, n’a jamais quitté l’eau. Il n’est plus artisan mais salarié d’une grande entreprise de transport de ciment. A 51 ans, il est capitaine d’un pousseur industriel : » La différence entre un pousseur et une péniche, c’est le gabarit du bateau. Ma péniche d’avant faisait 80 mètres de long, ce bateau fait 182 mètres « .
Joël travaille désormais en 7-7 » une semaine en communauté à bord du pousseur et une semaine de repos, à terre, en famille « . Sous ses ordres, 5 hommes d’équipage dont un matelot dont il n’est pas peu fier : Jérémy, son fils, 21 ans. Comme le veut la tradition, Joël a réussi à transmettre son métier à au moins l’un de ses enfants. » J’aimais bien travailler sur le bateau quand j’étais petit, je donnais toujours un coup de main » livre Jérémy
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